Voici nos suggestions de fin d'année pour le rayon sciences humaines !
Qu'est-ce qu'une vie bonne ?, Judith Butler
Le 11 septembre 2012, Judith Butler est invitée à prononcer un discours lors de la remise du prix Adorno qui la consacre. Elle reprend à cette occasion une citation du philosophe allemand, tirée de son ouvrage Minima Moralia : « on ne peut mener une vie bonne dans une vie mauvaise».Questionnant la formule, Judith Butler se penche sur les moyens et conditions de vie « bonne », autrement dit, de vie en accord avec nos aspirations éthiques et morales alors que nous baignons dans un environnement « plus vaste structuré par l'inégalité, l'exploitation et diverses formes d'effacement ».
A contrario des habituels courants individualistes propres au développement personnel, c'est dans la vie sociale et le collectif que J. Butler perçoit la possibilité de vivre en harmonie : « S'il me faut mener une vie bonne, il devra s'agir d'une vie vécue avec d'autres, d'une vie qui ne sera pas une vie sans ces autres ; je ne perdrai pas ce je que je suis, celui ou celle que je suis sera transformé par mes rapports avec les autres, puisque ma dépendance à autrui et ma fiabilité sont nécessaires afin que je vive et que je vive bien. »
D'une grande clarté, ce petit essai dénote de par sa remarquable justesse d'esprit et d'analyse. Retrouvez la notice de l'éditeur ici .
Les voix. Témoignages, Aimée F. et Nicole Anquetil
Curieux document que voici. En 2010, Nicole Anquetil, psychiatre et psychanalyste, reçoit dans son cabinet Aimée F., une femme de 70 ans portant une liasse de feuilles sous le bras : l'histoire de sa rencontre avec les « Voix »
Aimée F. est une femme agréable, mariée, retraitée depuis douze ans. Elle a une vie sociale satisfaisante et mène ses activités normalement. Pourtant, elle est quotidiennement harcelée par une série de voix qui la poursuivent chez elle comme à l'extérieur.
Bien décidée à ne pas se laisser intimider, Aimée F. développe des stratégies de défense et commence à compiler scrupuleusement les attaques dont elle fait l'objet. C'est ce témoignage, en construction permanente, qu'elle lira semaine après semaine, dans le cabinet de Nicole Anquetil.
À la manière de ses illustres prédécesseurs, Nicole Anquetil nous propose un essai de décryptage, à la suite de ce matériau brut. Retrouvez la notice de l'éditeur ici .
Un quinze août à Paris, Céline Curiol
On connaît de Céline Curiol ses quatre romans publiés entre 2005 et 2012, unanimement salués par la critique française et internationale - Paul Auster dira de son premier roman qu'il est « l’un des textes de fiction les plus originaux et les plus brillamment exécutés par un écrivain contemporain ».
Avec « Un quinze août à Paris » elle nous livre un témoignage intime d'un tout autre genre : l'histoire de la dépression dans laquelle elle s'est profondément enlisée au cours de l'été 2009. Voulant écrire « le livre qu'[elle] aurait aimé lire lorsque [sa] vie en dépendait », Curiol a longuement gratté, analysé et étudié l'histoire de sa dépression, pour la transcender et en offrir une vision plus large. Il en ressort un ouvrage extrêmement bien documenté sur l'expérience de la dépression vue de l'intérieur.
À la lumière des discours scientifiques et psychanalytiques mais également de nombreux textes littéraires, elle ausculte les sinuosités de sa pensée tourmentée. Sont ainsi convoqués tour à tour : Freud, J.-C. Ameisen, Sylvia Plath, William James, Stieg Dagerman ou encore Julia Kristeva (entre autres).
Autant d'auteurs qui lui permettent de décrire en mots et en concepts ce mal qui l'a rongée de l'intérieur, l'empêchant de lire, d'écrire et plus simplement de vivre.
Un ouvrage majeur pour comprendre la dépression. Retrouvez la notice de l'éditeur ici
Les mots sans les choses, Éric Chauvier
Les discours scientifiques (économiques, sociologiques, psychiatriques, etc.) ont aujourd'hui largement pénétré notre langage ordinaire.
Mais si chacun semble désormais capable de jongler relativement facilement avec des mots savants, nous voilà dans le même temps incapables de décrire notre vécu, notre « vie ordinaire » sans y plaquer ces termes - parfois inadéquats, mal intégrés ou pire, mal « conceptualisés ». Or, à trop vouloir singer le discours spécialisé, la sensation de réalité de l'expérience vécue s'évanouit. Notre expérience individuelle se retrouve déconnectée de notre langage et notre langage lui-même en devient désaffecté, incapable de résonance.
Les responsables dans la ligne de mire d'Éric Chauvier ? Certainement les grands de la French Theory (Bourdieu, Foucault, Levy Strauss) même s'il concède que cela s'est parfois fait à rebours de l'intention initiale. Plus durement décriés encore, ceux des Care et Gender Studies...
S'appuyant sur une lecture approfondie de Wittgenstein et de Spinoza, Eric Chauvier, avec son humour habituel, nous propose un texte d'une apparente légèreté mais d'une solide assise intellectuelle.
Un essai terriblement drôle, (im)pertinent et rafraîchissant. Retrouvez la notice de l'éditeur ici.
Ni vu ni connu, Hanna Rose Shell
Oscillant entre les sciences naturelles, l'anthropologie, l'histoire et l'esthétique, voici un nouvel OVNI des éditions Zones Sensibles, traitant de l'art du camouflage.
Un petit bijou de curiosité intellectuelle, aussi beau que passionnant !
Retrouvez la notice de l'éditeur ici .
Collection « Le Beau Livre de... »
La collection « Le Beau Livre » nous revient en cette fin d'année avec trois nouveautés :
Le Beau Livre de la Psychologie, le Beau Livre des Remèdes et Médicaments et le Beau Livre de la Terre.
Si vous aviez manqué les titres précédents (Le Beau Livre des Maths, de la Physique, de l'Univers et de la Médecine), voilà l'occasion de découvrir cette série des éditions Dunod, aussi jolie que bien documentée, réalisée avec un réel souci de vulgarisation scientifique.
Les Petites Pommes ET Les Petites (Grandes) Pommes du savoir
Adressée à tout amateur de découvertes scientifiques souhaitant satisfaire sa soif de curiosité, voilà une petite collection qui gagne à être connue. Attention cependant à ne pas se laisser endormir par son look pop et coloré : il s'agit bien là d'ouvrages de vulgarisation de haut vol !
Les thèmes amusants ou atypiques sont développés avec une grande rigueur scientifique et beaucoup de pédagogique. À partir de 16 ans.
Voici notre sélection de fins d'année. Des romans et des polars à glisser dans toutes les chaussettes et à dévorer avec plaisir.
Des titres qui, on parie, vous accompagneront jusqu'à la nouvelle année et même au delà...
Cette nuit je l'ai vue, de Drago Jancar (Phebus)
Au coeur de ce livre, Il ya Veronika Zarnik, cette femme libre, fantasque, troublante qui suscite fascination autour d'elle. Elle est mariée à Léo et forme avec lui un couple qui ne se laisse pas guider par les conventions. Tous deux continuent à mener une existence insouciante aux heures sombres de la seconde guerre mondiale, dans cette Yougoslavie occupée par les Allemands. Mais une nuit de janvier 1944, ils disparaissent tous les deux. Cinq personnes vont raconter leur version de l'énigmatique Véronika. Ils sont amant, mère, ami, domestique. Ils l'ont tous aimée à leur façon et les souvenirs qu'ils gardent d'elle reviennent les hanter alors que la guerre qui se termine a fait basculer leur destin. Ces 5 récits s'enchainent et se complètent , font peu à peu surgir la vérité sur cette disparition.
Je refuse, Per Petterson (Gallimard)
Jim et Tommy ont été les meilleurs amis du monde. Aujourd'hui, Jim, enfant couvé par sa mère, vivote péniblement, tandis que Tommy, à l'enfance tourmentée, a fait une carrière florissante.Trente-cinq ans qu'ils ne se sont pas vus. Jusqu'à ce jour de septembre où ils croisent et échangent quelques mots. Le roman relate cette journée où ces deux hommes vont remonter le temps et se confronter au passé. Prenant tour à tour la parole, ils laissent affleurer les souvenirs. Naviguant entre passé et présent, on comprend comment l'amitié a pu se désagréger et combien le temps pèse sur les êtres.
Dans sa prose sobre et intense, l'auteur du magnifique "Pas facile de voler les chevaux" décrit des êtres fragiles, des émotions profondes.
Le complexe d'Eden Bellwether, de Benjamin Wood (Zulma)
Oscar est aide-soignant à Cambridge et ne fait donc pas partie de la coterie prisée des étudiants. Un jour, il rentre dans la chapelle du King's College, attiré par une musique d'orgue quasi hypnotique. A la sortie, il fait la connaissance d'Iris, dont il va tomber amoureux, qui est la soeur d'Eden Bellwether, le génial organiste. Oscar est adopté par le petit groupe très fermé d'étudiants qui gravitent autour d'Eden, personnage fascinant, virtuose et charismatique. Mais les théories d'Eden sur le pouvoir de sa musique deviennent de plus en plus alarmantes...
L' intrigue machiavélique entre folie et perversité, l'atmosphère de Cambridge avec ses initiations secrètes et ses mystères font de ce premier roman d'un jeune auteur britannique un régal de lecture.
La couleur du lait, de Nell Leyshon (Phébus)
Au XIXe siècle, grandir dans une petite ferme de la campagne anglaise offre peu de perspectives de joie et de plaisirs. La vie de labeur de Mary, entre un père brutal et une mère indifférente, dans la misérable ferme familiale, n'échappe pas à la règle. Pourtant le caractère lucide et volontaire de Mary la pousse à grappiller chaque maigre instant de bonheur. Un beau jour, son père l'envoie chez le pasteur pour servir et tenir compagnie à sa femme malade. Elle y sera traitée avec bienveillance. Le pasteur lui apprendra à lire et à écrire. Mais cette gentillesse pourrait avoir ses limites, voire se retourner contre elle. Ce qu'elle nous raconte dans sa bouleversante confession.
Le violoniste, de Mettchild Borrmann (Masque)
Sacha est le petit-fils du célèbre violoniste russe Ilja Grenko. Celui-ci, accusé et condamné en 1948, fut envoyé au goulag, sans que sa famille soit mise au courant. Son précieux stradivarius disparut aussi sans laisser de traces. Deux générations plus tard, Sacha se met en quête du violon et découvre peu à peu la mécanique implacable qui a broyé sa famille. Une intrigue très prenante qui nous plonge dans les horreurs du totalitarisme.
Kobra, de Deon Meyer (Seuil)
Trois gardes du corps sont assassinés dans la guest-house d'un domaine viticole en Afrique du Sud, tandis que l'homme qu'il protégeait, un citoyen britannique apparemment respectable, a mystérieusement disparu. Peu d'indices, hormis les douilles gravées d'une tête de cobra. Très vite, l'équipe qui enquête trouve des liens avec les milieux financiers et terroristes mais est sommée d'abandonner ses recherches. L'intrigue originale de Kobra nous fait à la fois pénétrer dans la société sud-africaine mais aussi dans les arcanes de la mondialisation.
Fleur et sang, de François Vallejo (Viviane Hamy)
Ils sont tous les trois médecins : un père et son fils, au XVIIème siècle, un autre homme de nos jours. Le père est maître-chirurgien , le fils apprend l'art des saignées. L'autre est un brillant cardiologue. Ce qui les rapproche encore: la passion pour une femme, capable d'infléchir dangereusement leur destin. Croisant les destins et les époques, maniant sa plume avec précision et sensualité, François Vallejo envoûte avec ce récit au suspense savamment orchestré.
Joujou, de Eve de Castro (Laffont)
On connait le talent d'Eve de Castro pour rendre vivants certains épisodes de l'histoire. Dans "Joujou", elle s'intéresse au parcours de Joseph, un nain d'une exceptionnelle intelligence, issu d'une grande famille polonaise tombée dans la misère et qui sera vendu par sa mère à une amie fortunée pour servir en quelques sortes d'"animal de compagnie". Et pourtant il aura un destin remarquable : il côtoiera les plus grands et attisera bien des convoitises dans cette Europe déchirée du XVIIIème siècle.
Blanès, d'Hedwige Jeanmart (Gallimard)
Blanès est une petite station balnéaire de la Costa Brava qui n'a d'autre intérêt que d'avoir hébergé l'écrivain chilien Roberto Bolano. Eva et son compagnon, passionné par l'écrivain, s'y rendent pour une journée. Le lendemain, Samuel disparait. Il est mort, dit Eva à ses proches. Est-ce réellement une figure de style? Totalement perdue, Eva retourne à Blanès pour tenter decomprendre, en suivant les traces de Bolano. En menant cette quête obsessionnelle, monomaniaque, elle fait quelques rencontres assez étranges. Ou plutôt, ne serait-ce pas son regard décalé dû à sa fragilité mentale, qui nimbe sa vision des choses d'absurde et de burlesque, d'angoisse aussi.
C'est drôle, singulier, audacieux. Et c'est signé par une nouvelle auteure belge.
Les singuliers, d'Anne Percin (Rouergue)
En 1888, Pont Aven est devenu le lieu de rencontre de très nombreux peintres. Hugo Boch, jeune artiste belge, en rupture avec sa famille d'industriels (des faïenciers associés aux Villeroy), y pose à son tour ses valises. Il y rencontre Paul Gauguin, Emile Bernard et bien d'autres . Dans sa correspondance avec sa cousine , étudiante en art à Paris, et son ami Tobias, resté à Ostende, c'est toute une époque d'efferverscence artistique qui est croquée avec beaucoup de vivacité, mêlant anecdotes et réflexions sur le sens de l'art. Un roman épistolaire fin, intelligent, attachant.
Karpathia, de Mathias Menegoz (POL)
Dans les années 1830, le comte hongrois Alexander Korvanyi débarque, avec sa jeune épouse autrichienne, aux confins de l'empire austro-hongrois, afin de reprendre les rênes du domaine familial, longtemps négligé. Ils découvrent une terre arriérée, en proie aux haines ancestrales . Alexander parviendra-t-il à restaurer la grandeur familiale dans cet environnement hostile et violent?
A la fois grande fresque historique et roman d'aventures, puissant, complexe, servi par une très belle langue classique, voilà le Prix Interallié 2014.
Permaculture, de Perrine et Charles Hervé-Gruyer, chez Actes Sud
Ce livre est un petit bijou pour les amoureux de nature, de jardin et d'utopie. Les auteurs nous présentent l'histoire de leur ferme permaculturelle, la ferme du Bec-Hellouin, créée en 2003 dans l'Eure, qui est aujourd'hui une référence en matière d'agriculture naturelle. Ils nous racontent combien ça a été difficile, leur doutes face à ce terrain considéré hostile. A travers leur histoire, les auteurs montrent la pertinence sociale, économique et écologique de l'agriculture permanente et proposent de nombreuses pistes novatrices fondées sur des expériences réussies.
Les desserts de Claire, de A-C Vorimore
Tarte aux abricots et aux noix, kouign-amann, muffins aux flocons d'avoine, mille-feuille, tatin de poires : Anne-Claire a choisi les meilleurs de ses desserts en nous confiant ses petits trucs qui font la différence. Car si la pâtisserie est affaire de précision, c'est surtout de passion de gourmandise dont il est question ici ! Tout beau livre, tout petit prix !
Géorama, de Julien Blanc-Gras et Vincent Brocvielle, chez Robert Laffont
Cet ouvrage illustré de nombreuses cartes propose, par le biais de questions inattendues, un voyage dans de nombreux endroits du monde du début du XXIème siècle : la plus ancienne démocratie d'Afrique, la capitale des poilus, le pays le plus inégalitaire, le pays interdit aux touristes. Même si l'ouvrage a pris le parti de répondre à beaucoup de questions, et de ce fait de manière assez brève, les regards posés sont transversaux et rassasient notre soif de curiosité. A Lire.
Voyage : miscellanées, de Chantal Deltenre et Daniel De bruycker, chez Nevicata
L'éditeur Nevicata, que l'on apprécie beaucoup, propose dans cet ouvrage des petits textes à lire au gré des envies du voyageur, pour mieux saisir ce qui pousse depuis toujours les hommes et les femmes à prendre la route, comme explorateurs ou comme touristes. Nous y apprenons que Sénèque avait le mal de mer ou l'utilité historique des pigeons voyageurs !
Les captifs du zoo. Souvenirs d'une gardienne de jardin zoologique, de Véra Hegi, chez la Bibliothèque
Ce petit livre rouge témoignage de l'expérience d'une femme issue de la haute bourgeoisie russe, interdite d'université par le gouvernement soviétique dans les années 30 et contrainte à s'improviser gardienne d'un zoo, dont elle décrit les animaux, leurs comportements qu'elle analyse à la lumière des découvertes en psychanalyse, pour un rapprochement des psychismes humain et animal, et les allées et venues des visiteurs. Passionnant.
L'incroyable bestiaire de Monsieur Henderson, de lui-même, Belles lettres
En observant les bestiaires hérités du passé, peuplés de créatures imaginaires, l'auteur a établi que les espèces du monde vivant constituaient un défi encore plus important fait à l'imagination humaine. Il a recensé dans cet ouvrage différentes espèces rares (de l'axolotl au zèbre marin) qui permettent de saisir la beauté et l'étrangeté de nombreuses formes de vie. C'est donc un exceptionnel bestiaire contemporain réel, et sa lecture en est jubilatoire !
Tokyo. Les recettes cultes, de Maori Murota, chez Marabout
120 recettes emblématiques de la ville japonaise, accompagnées d'un reportage photo pour découvrir les bars à gyozas, les spots de ramen, les pâtisseries au thé vert. Cet ouvrage est remarquablement illustré et documenté. Avec des conseils sous forme de dessins pour réaliser sushis, gyozas et bentos. Il vous suffit de tourner quelques pages pour être conquis.
Frères de terroirs. Carnets de croqueurs, de Ferrandez et Camdeborde, Rue de Sèvres.
Une année de rencontres avec les producteurs favoris de Y. Camdeborde, pour aller à la découverte de chasseurs de truffes, de pêcheurs de brochet et de vignerons des quatre coins de la France. C'est l'intérêt de tous ces petits savoirs presque oubliés que l'on veut ici retenir, plus que la mise en forme. Néanmoins très intéressant.
Océan d'amour, de Lupano et Panaccione, chez Delcourt
Chaque matin, un pêcheur emprunte sa petite embarcation et s'en va en mer. Mais un matin, c'est lui qui est pêché. Emporté par un chalutier, son canot traverse l'atlantique. Sur la grève, sa femme l'attend. Déjà les commères prédisent la mort du pêcheur, mais la vieille sorcière qui lit dans les crêpes l'a vu à Cuba. Convaincue que son homme est toujours vivant, elle se lance seule dans une mission de sauvetage improbable. Une bonheur de lecture, si l'on peut dire, car il n'y a aucun texte dans cette bd, et c'est aussi cet aspect que l'on salue ! Nous l'avons d'ailleurs lue deux fois d'affilée.
Le teckel, de Hervé Bourhis, chez Casterman
Génial roadtrip d'un tandem de visiteurs médicaux chargé de placer au mieux un anti-douleur dont la première version avait fait des ravages. Le teckel, c'est Guy Farkas, légende sur pattes dans le milieu, en fin de carrière. Il se voit adjoindre le jeune Jérémy pour le seconder dans sa tournée. Mais qui est vraiment le teckel ? Hervé Bourhis utilise le genre de la comédie et du thriller et construit un scénario très malin : on se délecte et l'on rit à la lecture du Teckel ! Et vous ?
Ulysse. les chants du retour, de Jean Harambat, Actes Sud
Le retour d'Ulysse à Ithaque est le point de départ de cette superbe bande dessinée, qui suit fidèlement le récit d'Homère. Ceci dit, l'auteur y intercalle les interventions d'héllenistes comme Jean-Pierre Vernant ou d'autres. Tous accompagnent la progression d'Ulysse et du récit, jusqu'au combat livré aux prétendants et à la reconquête de Pénélope. Mais l'auteur propose surtout une réflexion sur Ulysse et sa propre reconquête. On sort de cette lecture grandi, nourri et heureux, avec l'envie de se plonger dans la littérature des anciens. Citons enfin Télérama qui résume cet essai dessiné : "Une odyssée de toute beauté, qui réussit l'exploit d'être une synthèse érudite pleine d'émotion. Bravo !"
Revoir Paris, de Schuiten et Peeters, Gallimard
Février 2156. Kârinh est née dans l'arche, une colonie spatiale créée par un groupe d'anciens terriens qui a coupé tout lien avec sa planète d'origine. Elle a toujours rêvé de voir Paris, cette ville découverte dans des livres miraculeusement préservés. Elle a donc accepté de diriger le Tube, un vaisseau en route vers la terre, avec quelques autres en hibernation... Album très réussi !
Little tulip, de Boucq et Charyn, chez Le Lombard
Une dernière lecture à vous conseiller. Dans le new-york des années 70, Pavel aide la police à confectionner des portraits-robots. Il doit ses talents de dessinateur à un maître tatoueur, le plus cruel des caïds, qui l'a éduqué à sa discipline quand il était enfant dans un goulag.
La passion de Dodin-Bouffant, de Mathieu Bourgniat, Dargaud
Dodin-Bouffant est fin gastronome et voue à l'art culinaire un véritable culte qu'il pratique avec la complicité de sa talentueuse cuisinière Eugénie Chatagne. La mort inopinée de cette dernière est une catastrophe pour Dodin-Bouffant. Il se met alors à la recherche d'une remplaçante, ce qui l'entraîne dans un folle aventure dont les péripéties sont très rigolotes. Bande dessinée pleine de saveurs, mais surtout pleine d'amour !
Love in vain, de Jean-Michel Dupont et Mezzo, chez Glénat
Ce livre est un magnifique hommage à la vie du bluesman et guitariste virtuose Robert Johnson (1911-1939), tout en noir et blanc, mais quel noir et blanc ! Même la couverture est splendide, dans son format à l'italienne. Bienvenue dans le Mississipi des années 30. Découvrez donc le destin cahotique de cette légende de la musique, qui en inspira bien d'autres, comme Bob Dylan, les Rolling Stones et plus récemment les White Stripes.
Autel California, de Nine Antico, à l'Association
Ici encore les fans de musique se régaleront. Nine Antico nous raconte la naissance du rock and roll à travers le destin de Bouclette, jeune adolescente de Los Angeles qui devient véritable groupie d'ELvis, des Beatles, de Keith Richards. Elle nous mène dans un tourbillon sonore, et nous poursuivons notre lecture à son rythme, en la suivant d'un sock hop, sorte de bal improvisé dans le gymnase d'une école aux coulisses d'un concert ou sur un tapis volant avec Jim Morrison !
L'ére de l'égoisme comment le libéralisme l'a emporté, de Daryl Cunningham, chez Ca et là
Découpé en trois parties, cet essai économique de Darryl Cunningham décrit la vie et les incohérences d'une dame de fer, Ayn Rand, peu connue en France, qui développa la théorie de l'objectivisme, basé sur l'égoïsme et l'individualisme, et sur la haine de tout collectivisme. La deuxième partie, plus ardue, nous renseigne sur les mécanismes financiers qui, depuis la crise de 1929, mènent à celle de 2008. La troisième partie s'appuie sur l'analyse psychologique et neurologique des deux principaux courants de pensée qui s'affrontent en politique : les néoconservateurs et les progressistes. En prenant le temps, c'est passionnant !
Le parfum des hommes, de Kim Su Bak, chez Atrabile
C'est en véritable journaliste d'investigation que Kim Su Bak s'est transformé pour cette bande dessinée sensible et révoltante. Il y dénonce les pratiques des dirigeants du géant de la téléphonie mondiale Samsung, en nous racontant le combat sans répit d'un homme, qui a perdu sa fille d'une leucémie, contractée lors de son travail d'ouvrière dans une usine de semi-conduteurs de Samsung. Mensonges, pots de vin, corruption, argent, le monde des vices des puissants est ici révélé !
Voix de la nuit, de Ulli Lust, chez ça et là
Henri Karnau est acousticien, au temps du IIIème Reich. Il met ses talents au service du nazisme pour élaborer la voix aryenne, tout en couvrant la sonorisation des meetings du parti. Il devient peu à peu proche de Goebbels et sa famille, plus particulièrement de sa fille Helga. De ces deux voix entremêlées nait cette bande dessinée qui se terminera dans la noirceur la plus totale, celle du bunker d'Hitler.
N'oubliez pas non plus les nouvelles éditions des intégrales des géniaux Le combat ordinaire, BlackSad et Chroniques diplomatiques !