David Le Bailly
Editeur : Seuil Réserver ou commander
« De ta vie et de celle de maman, je retiens ceci : en dépit des espoirs, des illusions, des prières, la folie est irrémédiable. Elle est partout, dans toutes les familles, viols, incestes, meurtres. Hommes et femmes. La folie est banale, contagieuse. Elle brouille la pensée, détruit les têtes les mieux faites. Elle salit, pervertit ce qu’il y a de mieux en nous, la générosité, la bonté. »
Scruter les photos, les visages, les figures. Retrouver des lettres, des petits mots, respirer à nouveau l’odeur du huis-clos, de l’enfermement, de la solitude. Gratter le passé, la mémoire, jusqu’à en avoir sous les ongles, c’est ce à quoi s’attelle le narrateur David, qui se remémore le suicide de sa grand-mère, Pia Nerina, quand il avait 14 ans. Quelle vie secrète avait donc cette femme, une Napolitaine sans diplôme ni travail qui semble être parvenue à faire fortune à Paris et qui logeait avenue Montaigne avec sa fille unique ? Quels étaient donc les mensonges et les cachettes de son existence pour mener ce train de vie ? Et ce duo infernal, mère et fille, plongé dans les enfers de l’ambition, des rêves de grandeur, de fortune à ne plus savoir qu’en faire, jusqu’à en provoquer l’aliénation, quelles en étaient les racines ?
Vertige du questionnement, des archives et des grandes trouées de l’existence, Hôtel de la folie est un superbe récit de David le Bailly, une « anatomie de la chute » qui raconte ce que le mensonge et la haine de l’ordinaire engendrent comme précipices et huis clos.
Enquête familiale passionnante, Hôtel de la folie est aussi remarquable dans sa façon de restituer l’asphyxie, l’enfermement, c’est un livre très puissant sur la captivité (physique, mentale, à une image, à un rêve, à une obsession), la perte et la dissimulation (d’un passé, d’une folie). Passionnant aussi par ce qu’il ne dit pas, ou presque pas, David a été un enfant mais d’enfance il n’en a jamais eue. Livre de reconnaissance (quand David s’adresse à sa grand-mère, il utilise le « tu » et c’est magnifique de complexité et de fusion), les trente dernières pages du livre sont immenses de tristesse et d’écriture.
Max Porter
Traduit de l'anglais par Charles Recourse
Editeur : Sous Sol Réserver ou commander
Multiple, poignant, poétique, il sera impossible d’oublier Shy, livre saisissant sur l’enfance, la colère, la destruction, les peaux que l’on quitte et les pierres que l’on jette. Le quatrième livre de Max Porter, incroyablement traduit par Charles Recoursé, est l’histoire de Shy, jeune garçon violent et en décrochage scolaire, envoyé dans l'Ecole de la dernière chance, une résidence pour mineurs délinquants. À l’intérieur de l’impatient Shy, tout est piquant et dentelé, les déceptions et la rage se noient dans le chaudron bouillonnant d’une vie trop immense, trop noire, trop « contre ». Chacune des phrases de ce livre, dans ses détails et son tempo, vous submerge de beauté, de voix, de sensations. C’est singulier (il y a tout un travail sur la typographie, les blancs des pages, la musique, la simplicité des mots), déchirant mais aussi lumineux. Et cette tendresse qui foudroie !
Dea Liane
Editeur : L'Olivier Réserver ou commander
Georgette c’est tout à la fois le personnage de ce livre mais aussi son sujet. Et c’est dans ce geste : transformer l’invisible, l’effacée, l’évanescente Georgette en sujet que le roman prend toute son ampleur. La narratrice se souvient à quel point - alors qu’elle était enfant- Georgette lui était essentielle, indispensable. Georgette, était, plus encore que l’employée de la famille, la domestique, et c’est ce rapport que questionne Dea Liane dans son premier roman.
Georgette, c’est tout à la fois le récit d’un cadre (celui du rapport de l’employée à la famille qui la dirige, vu à travers la description des archives familiales - des courts films de la vie de famille) mais c’est aussi un roman qui retrace le hors cadre, et ce passage de l’un à l’autre est très beau. C’est un livre qui suggère, qui n’appuie jamais (les dernières lignes sont magnifiques de simplicité), qui dit le don de soi et le renoncement (à une vie privée, à une langue), les ancrages qu’on n’oublie pas, la beauté d’une relation, le mutisme, les contradictions et les ambiguïtés, les lâchetés (c’est un livre qui ne tait rien). Il interroge la servitude, la docilité, la langue et les gestes de l’émancipation. La forme est très belle (26 séquences, à la fois douces, précises et honnêtes) ce qui donne naissance à un premier roman gracieux et très sensible.
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